Démystifier la psychologie sportive

3 oct. 2016

Résistance #01 : «Je ne veux pas me faire jouer dans la tête»

Nicholas, est un athlète dédié et expérimenté en Karaté. Il a participé aux plus grandes compétitions à travers le monde. À la suggestion de ses proches, il débarque dans mon bureau quelques semaines avant l’une de ses compétitions les plus importantes.

14258076 654830941359947 8668847709001560754 o

Nicholas en action. (photo crédit : BC sport Karate snaps)

Nicholas, n’est pas nécessairement chaud à l’idée de rencontrer un préparateur mental. «Je n’ai pas le goût de me faire jouer dans la tête» pense-t-il. Faisant preuve tout de même d’une bonne ouverture d’esprit et sentant que quelque chose pourrait être amélioré dans son approche à la compétition, il se présente à son premier rendez-vous.

Revenir à la maison en champion

Nicholas me raconte qu’il se rendra en Équateur pour ce qui sera officiellement sa dernière compétition internationale chez les juniors avant de passer à temps pleins chez les séniors. Nicholas veut laisser sa marque et profiter de sa dernière opportunité d'ajouter une victoire à son palmarès. Il veut finir son parcours chez les juniors sur une bonne note avant d’entamer la suite de sa carrière. Bref, son objectif est clair, il souhaite revenir champion des Pan-américains.

À l’approche de ce moment important, il sent que quelque chose n’est pas tout à fait à point. Depuis quelques compétitions, il se retient trop. Ces hésitations n’ont pas de place dans un sport de combat aussi rapide. En d’autres mots, lorsque tu as une opportunité, tu dois la saisir. Or, Nicholas repense encore avec regret à certaines occasions ratées. L’autre défi qui se présente à lui, sans même le réaliser complètement, c’est la pression qu’il se place sur les épaules. Son focus est exclusivement sur le résultat, sur la médaille qu’il souhaite obtenir.

Durant nos quatre rencontres qui se sont déroulées avant la compétition, je me suis assuré de rediriger le focus de Nicholas sur les éléments qui relèvent beaucoup plus de son contrôle, c’est-à-dire de se fixer des objectifs de processus et de demeurer concentré sur ceux-ci. Lorsqu’on se concentre sur ce qui relève de notre contrôle immédiat, automatiquement la pression baisse. (Le défi par la suite est de garder ce focus au bon endroit!) Ensemble, nous avons donc clarifié et simplifié ce qu’il allait faire à cette compétition.

Nous avons aussi eu d’excellents échanges sur la signification de la compétition et l’importance d’accepter que les résultats ne soient pas toujours au rendez-vous. Ce fût certainement un point tournant pour lui, l’acceptation. Parce que oui, malgré les meilleures intentions du monde, il y avait des probabilités qu’il ne revienne pas à la maison avec la médaille d’or au coup. Ça lui a permit en quelque sorte de lâcher prise sur le résultat et surtout de se laisser aller pour vrai cette fois.

Livrer la marchandise

14115502 10210785806625523 1659056891364556100 o

Nicholas et son entraîneur.  (photo crédit : BC sport Karate snaps)

Quelque temps après son retour au pays, nous avons eu notre séance de débriefing. C’est une portion extrêmement importante. Lors de ce retour sur la compétition, c’est là qu’on analyse en détail ce qui a bien fonctionné, quelles stratégies ont été les plus efficaces et ce qui reste à travailler dans l’avenir.

Le compte rendu que m’a livré Nicholas m’a vraiment renversé. Voici en résumé à quoi ça ressemble :

D’abord, son expérience globale a été très positive. Sans arriver à trouver les mots exacts, il s’est senti «différent» lors de cette compétition. La preuve, il avait hâte de combattre et ne s’en cachait pas. Il avait le goût d’aller montrer à tout le monde ce qu’il pouvait faire.

Lors de sa journée de samedi, sa plus occupée de la compétition avec un grand total de huit combats (5 en individuel et 3 par équipe), il a prouvé que le travail et les efforts déployés dans les semaines précédentes ont valu le coup. Il était intense, concentré et en aucun cas il a senti qu’il se retenait durant ses combats.

Il a livré des combats inspirés tout au long de la journée. En tout temps, il s’est concentré sur le processus plutôt que de se laisser déranger par le résultat. Il était dans une bonne zone. La confiance était au rendez-vous, il était heureux d’être là, il est demeuré détendu et a réellement savouré cette journée. Il en a même profité pour développer une nouvelle routine d’avant-combat qui semble prometteuse.

Les gens autour de lui ont aussi remarqué que son attitude était différente et qu’il semblait bien. Le commentaire le plus éloquent provient de son entraîneur de toujours qui s’est exclamé :

«Ça fait longtemps que je ne t’avais pas vu te battre comme ça!».

Quel commentaire significatif! (Pour voir une courte entrevue avec Denis Beaudoin, son entraîneur, clique ici!)

Et pour en ajouter davantage, il a disputé le dernier combat de la journée, celui qui mettait fin à la compétition. Dans des circonstances qui l’ont forcé à réellement sortir de sa zone de confort et d’y aller le tout pour le tout, Nicholas a livré une performance extraordinaire devant une foule bruyante et conquise par le spectacle. Il a même réalisé un geste technique spectaculaire où il a projeté son adversaire au sol afin de marquer 3 points. «Le plus beau moment de ma carrière» a été son qualificatif pour ce moment unique.

Quelle journée incroyable ce fût pour lui. Il a vécu une expérience unique. Il sait qu’il a tout donné et qu’il a tout laissé dans chacun de ses combats. Il n’a aucun regret sur ce qui s’est passé et il sait qu’il s’est vraiment laissé aller. À la fin de ce parcours, il a été inondé de félicitations de la part de son entourage et même des gens qu’il ne connaissait pas. «Je me sentais comme si j’avais terminé 1er des Pan-américains» m’a-t-il confié. En somme, Nicholas revient au pays sans nouvelle médaille dans sa valise mais comme il l’a si bien exprimé dans notre discussion :

«Je me sens comme si j’avais gagné, je reviens en champion».

Clairement, il comprend la VRAIE signification de ce qu’est la compétition. Tôt ou tard, ce sera à son tour d’être récompensé. Avec le karaté qui fera son entrée comme discipline sportive officielle aux prochains jeux olympiques d’été, peut-être verra-t-on Nicholas à Tokyo en 2020. Qui sait, vous aurez peut-être vous aussi la chance de découvrir cet athlète d’exception!

Bravo «Comeback kid»! Félicitations pour ton ouverture d’esprit et pour tes excellentes performances. Tu es déjà un champion!

Démystifier la psychologie sportive

Alors, est-ce que j’ai «joué dans la tête» de Nicholas? À vous d’en juger selon votre interprétation de cette expression!

Est-ce que nous avons travaillé ensemble parce qu’il était faible mentalement? Pas du tout!

Est-ce que je prends tout le crédit pour la performance qu’il a livré? Jamais!

Par contre, j’ai le sentiment d’avoir contribué. À ma manière, je l’ai aidé à mettre un peu d’ordre dans ses idées et à lui donner la confiance nécessaire pour libérer tout le potentiel qu’il possédait déjà en lui. Le travail au niveau technique, physique et stratégique, il était déjà fait. Il ne manquait plus qu’à s’assurer que la tête était prête à suivre. C’est ça mon travail.

Ne laissez pas les fausses croyances, les préjugés ou les mythes vous empêcher d’atteindre vous aussi votre plein potentiel. N’hésitez pas à faire affaires avec des professionnels!

14207770 10210785805785502 258888814100307960 o

Nicholas en action. (photo crédit : BC sport Karate snaps)

En terminant, je vous laisse lire les commentaires de Nicholas sur son expérience en lien avec la préparation mentale, le travail que nous avons fait ensemble et sa compétition.

Le next step! (prochaine étape)

« Pour moi le «next step» c’était de travailler sur ma préparation mentale. Physiquement parlant, techniquement parlant, tactiquement parlant, tout était à point mais il manquait quelque chose…

En effet, depuis quelques compétitions mon niveau de confiance avait diminué, l’hésitation s’était installée. Je voulais gagner à tout prix et les résultats ne venaient pas et ce, même si je m’entraînais comme un défoncé. C’est assez décourageant!!!

On m’a donc suggéré d’aller voir un préparateur mental. Même si j’étais un peu méfiant pour une raison que j’ignore, j’y suis allé. Eh bien, 5 rencontres et une compétition plus tard, j’affirme que ce fut une excellente idée.

En particulier, le fait de ne pas avoir mis le focus sur le résultat m’a aidé énormément. Même si je n’ai pas terminé en 1ere place comme je l’aurais souhaité, je demeure vraiment content de ma performance. J’ai gagné beaucoup d’expérience et j’ai eu beaucoup de plaisir à me battre.

Avant le dernier combat de la compétition, je me suis dit que c’était mon dernier combat au pan-am junior et que j’allais tout donner. Devant une foule survoltée, j’ai absolument tout donné de ce qui me restait comme énergie et j’ai effectué des techniques que je n’avais jamais faites avant.

Je n’ai pas réussi à aller chercher la médaille de bronze mais j’étais tellement heureux de mon combat que ça valait de l’or. Après mon combat, toute l’équipe est venue me voir et tout le monde me félicitait. C’était pratiquement comme si j’avais gagné.

Ce fut toute une expérience qui s’est terminée par deux 5e place. Pas de médaille pour moi cette fois-ci mais j’ai gagné beaucoup plus que cela. J’ai fait preuve de courage, j’ai donné l’exemple, j’ai gagné le respect de mes coéquipiers mais plus important encore, j’ai performé à mon meilleur. Je sors de là avec la tête extrêmement haute et sans aucun regret. » –  Nicholas-Patrick Rivest


Psychologie du sport - Coaching Skype - Jonathan Lelièvre

Entrevue avec Denis Beaudoin, entraîneur-chef chez Beaudoin Karaté

Catégories : Confiance, Leadership, Parents, Persévérance, Préparation mentale, Stress

0 Commentaires

Commentaires

Aucun commentaire

Ajoutez un commentaire

Produit ajouté avec succès !